Lire un récit absurde nous rendrait immédiatement plus créatif. Comment est ce possible ? Que dit la science sur ce qu’il se passe dans notre cerveau ? Comment en tirer parti ? En bonus en fin d’article notre sélection des meilleures œuvres et artistes absurdes.

Franz Kafka l’inspiration et la créativité

Dans La Métamorphose de Franz Kafka, le héros Gregor Samsa, se réveille un matin transformé en une sorte d’insecte monstrueux. Mis à part cet événement déclencheur absurde aucun autre élément fantastique n’advient dans l’histoire. Les protagonistes, à commencer par Gregor lui même, doivent faire avec le fait qu’il soit désormais une sorte de cafard répugnant. Cette nouvelle est une des oeuvre les plus connue de Kafka et représente un exemple typique de ce que les commentateurs ont appelé le réalisme magique. Avez vous déjà été marqué par un récit au point de vous souvenir 15 ans plus tard de votre sentiment au moment de sa lecture ? Je me souviens très nettement l’effet qu’a eu La Métamorphose sur moi lorsque je l’ai lue vers 14 ou 15 ans. Immédiatement après avoir refermé le livre des idées se sont mise à bouillonner dans ma tête. J’ai ressenti le besoin de créer et je me suis immédiatement mis à mon bureau pour écrire ma propre nouvelle. Je ne me rappelle plus de quoi cela parlait, je ne pense pas que c’était un chef d’oeuvre et je ne suis pas devenu un écrivain ado star. Par contre ce livre m’a marqué profondément par l’effet qu’il a eu sur moi. Récemment j’ai découvert que je n’étais pas un cas isolé. Preuve de l’effet inspirant de ce récit, en 1973, 60 ans après sa publication, Stanley Corngold, professeur de l’université de Princetown, dénombre plus de 128 commentaires publiés pour cette courte nouvelle. Cela signifie qu’en moyenne deux fois par an des lecteurs se sont mis à leur bureau, ont pris leur plume pour écrire un commentaire sur ce court récit puis ont réussi à être publiées. Imaginez combien ont écrit sans être publié, combien ont eu, comme moi l’envie d’écrire leur propre histoire, de dessiner, de peindre, de sculpter. Je vous encourage vivement à lire ou relire cette nouvelle et à expérimenter par vous même l’effet qu’elle peut avoir sur vous.

Franz Kafka

L’inspirant Franz Kafka

La créativité au laboratoire

Ces dernières années, des recherches en psychologie et en neuroscience, compilées dans un article de Psychologie Today ont permis de mieux comprendre ce que les chercheurs ont appelé l’”Effet Kafka” ou comment l’absurde mets notre cerveau dans un mode créatif. Ce phénomène a d’abord été mis en évidence grâce à une publication de 2009 qui décrivait 2 études. Dans la première étude, les participants ont été séparés en 2 groupes. La moitié d’entre eux lit une version légèrement modifiée du médecin de campagne (une autre nouvelle de Kafka). Dans ce récit des événements absurdes s’enchaînent (un dentiste est appelé pour arracher des dents d’un nouveau né qui n’en a pas, le voisin se transforme en cheval, etc.) le tout illustré de dessins loufoques. Les autres cobayes lisent une histoire similaire mais sensée (l’enfant à des dents, le voisin prête son cheval, …) illustrée de manière classique. Peu de temps après cette lecture, tous les participants sont soumis au même test : Dans un premier temps on leur présente 45 séries de 6 à 9 lettres. Par exemple XMXRTVTM ou VTTTTVM. La consigne est de recopier ces séries de lettre sans autres précisions. Une fois cet exercice terminé, on leur présente une feuille avec 60 nouvelles séries de lettres similaires aux précédentes. On leur explique alors que les séries de lettres qu’ils ont recopié ont été construites grâce à une logique. Parmi les 60 nouvelles qui sont devant eux, certaines suivent cette logique et certaines sont construites aléatoirement. Le jeux consiste à retrouver lesquelles suive la logique. En réalité la moitié des séries de lettre (soit 30) suit la logique qui est impossible à trouver d’emblée. Dans le groupe ayant lu l’histoire absurde, les cobayes ont coché en moyenne 21,95 séries de lettre contre 16,5 pour ceux qui ont lu l’histoire classique. La performance de chaque étudiant a également été quantifiée en attribuant 1 point par bonne réponse et en en soustrayant 1 par mauvaise réponse. Le score du premier groupe a été en moyenne de 12,2, celui du second de 7,5. Tout ce passe comme si le fait d’avoir lu une histoire absurde avait rendu les cobayes plus audacieux mais aussi plus performants pour la réalisation d’une tâche faisant appel à l’intuition.

Lire une histoire absurde a rendu les cobayes plus audacieux et plus performants pour la réalisation d’une tâche faisant appel à l’intuition

Des études postérieures ont également mis en évidence ce phénomène par des tests similaires mais avec d’autres  événements déclencheurs. En 2011, les mêmes auteurs ont montré que les membres d’un groupe ayant dû défendre en argumentant une thèse à laquelle il ne croient pas ont de meilleurs résultats que les membres du groupe ayant argumenté en suivant leur conviction. Dans une autre étude, on a présenté à certain participants des couples de mots ayant un rapport (par exemple lave-chaud, gâteau-chocolat, …) et à d’autre des couples de mots aléatoires (virage-grenouille, prudent-pull, …). Là encore les participants qui avait été exposés au stimulus qui mettait le moins “à l’aise” le cerveau (les mots aléatoires) ont montré plus d’audace et ont été plus performants dans les tests de créativité réalisés.

Les neurones créatifs

Pour expliquer ce phénomène étonnant, les chercheurs ont émis l’hypothèse qu’une modification du fonctionnement du réseau de saillance était en cause. Ce réseau repose sur 3 éléments de notre cerveau :

  • l’hypocampe, qui filtre les informations notamment en repérant celles qui sont nouvelles de celle qui sont déjà connues.
  • Le pulvinar, qui est la partie avant du Thalamus qui a un rôle dans l’interprétation des stimuli visuels. On a montré qu’une lésion du pulvinar entraînait un déficit de l’attention.
  • La membrane du noyau accumbens qui est impliqué dans le système de récompense du cerveau qui gère notamment la motivation (ou son absence) vis à vis d’une tâche à accomplir.

Ensemble ce réseau est notamment responsable de filtrer la multitude d’informations de notre environnement et de sélectionner celles qui peuvent avoir un intérêt. La théorie des chercheurs est que le cerveau fonctionne à vitesse de croisière tant qu’il se trouve dans un environnement qui fait sens. Lorsqu’un phénomène absurde apparaît, ce réseau de saillance modifie son activité. Notre cerveau filtre moins, il devient plus attentif, plus motivé, car nous avons besoin de trouver dans notre environnement des éléments auxquels nous raccrocher pour pouvoir expliquer ce qui l’entoure. Les chercheurs appellent cette hypothèse le Meaning Maintenance Model (MMM) qu’on pourrait traduire par Model de Maintiens du Sens.

Émotion et créativité

Vous avez peut être vous même pu ressentir une modification d’activité de ce réseau lors d’un événement peu agréable. En effet le même phénomène à pu déclenché par un événement traumatisant. Si vous avez été victime d’une rupture difficile, de la perte d’un proche ou d’un licenciement brutal par exemple, vous avez peut être remarqué que vous vous sentez, dans les heures ou les jours qui suivent, comme déconnecté. Vous voyez vos actions habituelles sous un nouveau jour. Vous avez besoin de réfléchir pour réaliser des gestes quotidiens. C’est souvent dans ces moment là que les gens remettent en question leur vie et décident de changer complètement. Le mécanisme est le même, il s’agit d’une sur-activation de notre réseau de saillance.  En résumé, un événement absurde “mets en éveil” votre cerveau, de la même manière qu’un bruit fort fait battre votre cœur plus vite et met en tension vos muscles pour vous préparer à fuir ou à vous battre. En parallèle votre attention est focalisée. Si vous vous attelez à une tâche créative (telle que l’écriture, le dessin, la résolution d’un problème, …) vous aurez bien plus de facilité à repérer des détails ou des schémas nouveaux car votre cerveau filtrera moins les informations qui lui parviennent. Vous passerez donc dans un mode naturellement plus ouvert.

un événement absurde “met en éveil” votre cerveau, de la même manière qu’un bruit fort fait battre votre cœur plus vite et met en tension vos muscles pour vous préparer à fuir ou à vous battre.

Des activités qui rendent plus créatif

On peut avoir tendance à croire que lire des nouvelles, regarder des films,  raconter des blagues ou des histoire est une perte de temps. Mais pas du tout ! En dehors du fait que ces occupations sont nécessaires pour décrocher et se ressourcer. Les études évoquées ici montrent bien que ces activités peuvent représenter un vrai boost de créativité. L’équipe de tngrm vous a préparé sa sélection des auteurs, artistes et œuvres absurdes, surréalistes ou simplement loufoques. Partagez également les vôtres sans attendre.

Livres – Ces auteurs sauront vous emporter dans les histoires les plus absurdes :

  • Kafka
  • Vian
  • Ionesco
  • Maeterlinck
  • Breton
  • Beckett

Humour – Pas de raisons de s’en priver. Surtout si ça vous rend plus créatif

  • les Monty Python
  • La classe américaine
  • Naked gun (la série des y a-t-il un flic)

Films – On a pas encore montré que le pop-corn était bon pour la créativité mais pourquoi pas ?

  • David Lynch
  • Luis Buñel
  • Dans la peau de John Malkovitch
  • Rubber (le pneu tueur)
  • Réalité (avec le très absurde Alain Chabat)

Plasticiens – en poster ou en fond d’écran ça passe très bien

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