Force génératrice et force destructrice

Lors d’un travail créatif, deux forces opposées doivent être mises en œuvre. D’un côté, un force génératrice: trouver des idées, tracer un croquis, écrire un premier jet, brainstormer en équipe… À  l’opposé une force destructrice: corriger, encrer puis effacer un dessin fait au crayon, éditer, raffiner…


Les forces génératrice et destructrice concourent toutent deux à la création

Ces forces ne peuvent pas advenir simultanément, sinon elles s’annulent entre elles.

Si lorsque je donne les premiers coups de pinceau de ma peinture, ou que j’écris les premières lignes de mon texte, je juge de la qualité du travail, que je doute, que j’efface pour reprendre à zéro, je reste sur place.

Si au contraire, une fois mon premier jet établit, je continue à introduire des nouvelles idées, ajouter un nouveau personnage dans mon histoire, un nouveau développement à mon raisonnement, etc., jamais je n’arriverai au bout.

Ce modèle semble s’appliquer à la plupart des actes créatifs. Si je veux faire le design d’un nouveau produit, ou lui trouver un nom, je vais commencer par produire le plus d’idées possibles. Evidemment la plupart seront mauvaises, certaines seront très mauvaises, très peu seront digne d’être conservées. Mais si je cherche à trouver la solution parfaite dès le début, alors je bloque mon flux créateur. En fait, le simple fait de me poser la question de la qualité de mes créations risque de me bloquer complètement.

Plus tard, je pourrais reprendre ces idées, les étudier, les regarder d’un autre angle, les trier, les remélanger, les raffiner. Cette étape de destruction fait aussi partie du processus créatif, mais elle doit être séparée du processus de génération.

Prendre conscience et apprivoiser les forces créatrices

Il est utile de bien identifier les temps de génération et les temps de destruction. Par exemple, j’écris cette phrase sans me poser la question de savoir si je la garderai ou non, si elle a sa place dans ce paragraphe, ou même si ce que je raconte dans cet article a un quelconque intérêt pour qui que ce soit. J’évite même de corriger des fautes d’orthographe ou de frappe évidente. Je ne veux pas perdre mon flux générateur.

Plus tard, dans un temps différent et avec un état d’esprit différent, je reviendrai et je corrigerai, je couperai, je classerai. Ce temps peux venir juste après mais mon état d’esprit sera changé. J’aurai mis ma « casquette d’éditeur ».

Utiliser cette approche présente un grand intérêt . Cela permet d’éviter deux pièges qui guette le créateur : la peur de créer et la peur de finir. Pour arriver à une œuvre complète, je dois être traversé par ces deux états : l’état de génération et l’état de destruction, mais successivement. Si je ne sépare pas les deux, je reste sur place.

Entre ces deux moments, mon état d’esprit est différent. Lors de la phase de génération, je dois me laisser traverser par les idées, les laisser fuser à travers moi sans les retenir, je suis à peine conscient de ce que je fais. Complètement à ce que je créé.

Lors de la phase de destruction, je dois revenir en moi pour devenir un observateur du travail posé. Là où j’étais totalement ouvert, je dois maintenant être intransigeant. Je dois également faire l’effort de me mettre dans la peau du destinataire ou du client de l’œuvre, pour comprendre comment il va la percevoir.

Il peut même être intéressant de réellement avoir des lieux, des personnes ou des méthodes différentes pour apprivoiser ces deux forces. Par exemple personnellement, j’aime travailler seul sur la phase génératrice et confronter mes idées à un groupe ou une autre individualité lors de la phase destructrice.

J’ai besoin de calme absolu et de concentration pour créer. Je vais m’isoler lors de cette étape. Au contraire, je peux éditer dans un environnement plus vivant, dans un open space, dans le train, en m’interrompant pour discuter.

Pour d’autre cela peut être différent. Il existe d’ailleurs de nombreuses méthode de création en groupe  qui permettent de générer beaucoup d’idées qui seront par la suite raffinée individuellement ou en petit groupe.

La temporalité peut également être différente. Pour certains, la moindre idée peut très rapidement être analysée et décortiquée dès sa formulation consciente, sans générer de blocages. Pour d’autre il faut mieux laisser reposer le travail un temps plus ou moins long avant l’édition.

Chacun peut trouver sa ou ses méthode.  Stephen King (lien) par exemple, écrit ses manuscrits de roman d’une traite. Puis il les laisse reposer quelque mois dans un tiroir et travaille à autre chose avant de les éditer. Au contraire Paul Auster travaille paragraphe par paragraphe en reprenant chaque phrase jusqu’à ce qu’elle lui convienne avant de passer à la suite pour arriver à la fin à un livre quasiment fini.

Être conscient de ses forces opposées qui sont à l’œuvre lors d’un processus créatif permet surtout de mieux comprendre et d’éviter certains blocage.

Les forces créatives, enjeu majeur de la création en groupe

 Ceci est notamment très important lors de phase de création en groupe. Les individualités peuvent se heurter et le processus se bloquer simplement car les protagonistes ne sont pas dans la même phase et utilisent des forces opposées.

Par exemple, une idée avancée par un individu en phase génératrice pourra être rejetée immédiatement, à tort ou à raison par un autre individu en phase destructrice. Le résultat pourrait être que le premier individu se trouve bloqué et n’osera plus proposer d’idée.

Au contraire, lorsque vient la phase de raffinement, Si certain continuent à proposer de nouvelles pistes continuellement, il sera impossible de conclure et d’avancer. Tout le monde doit être d’accord sur le fait qu’il est temps de converger vers une solution commune, quitte à ce qu’elle soit imparfaite aux yeux de certains.

Lors d’une séance de créativité en groupe, c’est le rôle de l’animateur de bien délimiter et expliciter ces phases.

Dans une entreprise ou au sein d’un groupe important ayant un projet commun, ces phases de génération et de destruction peuvent avoir lieu à différentes échelles de temps et être décalées selon les individus ou sous-groupes participant au projet. De ce fait, il se peut que le développement du projet soit continuellement dans cette phase de génération. Hors celle-ci est divergente.

En l’absence de synchronisation des forces destructrices, le processus de création est divergent et l’atteinte du but aléatoire.

Il est nécessaire d’imposer des convergences. Pour cette raison, en entreprise on impose des points de rencontre sous des formes qui plaisent souvent plus ou moins au collaborateurs. On parle de jalon, de revue, de rendu, de mise en production ou en ligne,… Aussi pénible que soient ces étapes, elles sont nécessaires. Et ce d’autant plus que le projet est long et que le nombre d’acteurs est important.

Mais attention à l’équilibre, si on multiplie trop ces points de rencontre, on risque de ne pas passer assez de temps en phase générative et de rater de belles opportunité d’innovation.

Processus de création cadré par des points de convergence

Il n’existe pas de formule miracle, le tout est une question d’équilibre. Avoir conscience de ces forces de génération et de destruction qui sont à l’œuvre lors d’un processus créatif permet simplement de mieux apprivoiser celui-ci et de comprendre les dynamiques qui peuvent apparaître, notamment au sein d’un groupe.

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